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Le Peintre de BERNAY: JEAN-MARIE SALNELLE 1894-1981
 
 
 
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Il naît le 8 avril 1894.

Son père, le docteur Clovis Salnelle, est originaire de la Neuve-Lyre. Ancien externe des hopitaux parisiens, il s'installe à Bernay en 1880. Il épouse en 1885 une demoiselle Blondel, fille d'un éleveur de chevaux à Capelles-les-Grands. Le docteur est un homme cultivé, bibliophile et licencié es lettres. On ne s'ennuie pas au 16 de la rue des Charrettes, la gaieté est de rigueur dans les réunions de familles. Lottin de Laval y avait ses entrées, on pouvait y voir son portrait par Thomas Couture. Ce milieu provincial est ouvert, sensible aux évolutions rapides de la fin du siècle. Les Salnelle sont catholiques et républicains, le docteur est aussi un médecin des pauvres. Le jeune Jean-Marie pratique tous les sports: athlétisme, lutte, courses cyclistes, natation, escrime, patinage, tennis, tir à la carabine, équitation...Il fait un numéro pendant quelques temps dans un cirque et s'envole sur de grands cerf-volants...Cette dépense physique s'accompagne d'une certaine réserve pour les exercices scolaires et Salnelle, très occupé à faire de ses professeurs des héros de bandes dessinées, ne réussit pas le baccalauréat. Il entre aux Beaux-Arts de Rouen en octobre 1912, remporte l'année suivante le prix de Peinture et le premier prix de Composition en Arts Décoratifs. Il est reçu en 1913 aux Arts Déco de Paris. Mais les examens de juillet 1914 passent à la trappe, question d'actualité...Le cuirassier Salnelle participe aux batailles de la Somme et de l'Artois, essuie une des premières attaques au gaz. Pourri de rhumatismes il patauge dans des tranchées inondées, comme ses camarades qui, sans pantalon, ramènent le flanquet arrière de leur chemise par devant et le fixent avec des épingles à nourrice. Ils organisent la dégringolade d'un caillebotis lors d'une inspection. Le général se venge en expédiant le cuirassier dans une équipe de "nettoyeurs" de tranchées en compagnie de repris de justice et autres spécialistes des armes blanches. Le jeune bourgeois s'en tire mais en désespoir de cause demande à passer dans l'aviation. on l'accepte. il effectue 32 missions en deux mois de 1917, est abattu trois fois dans des combats à un contre cinq, se tire trois fois de son "moineau" en flammes après des descentes en vrille de la dernière chance, sauve trois fois son équipage des carcasses en train de brûler. Il se marie en 1919 de retour à la vie civile..Il expose des paysages, des natures-mortes, des scènes de Bretagne et de Normandie à Caen, à Rouen, puis à Paris à partir de 1925. Salon des Indépendants, salon de l'Ecole Française, salon du Touring-Club de France, Salon d'Automne etc... "C'est un artiste extrêmement personnel qu'il faut ranger parmi les meilleurs de sa génération." publie la Revue du Vrai et du Beau (1925). Salnelle est reconnu par ses pairs. Mais à Paris tout a changé. La province était entrée comme jamais dans la peinture au moment de l'Impressionisme parce qu'elle servait d'instrument aux bouleversements du regard. Les dindons blancs ou la Sainte-Victoire furent d'abord les outils d'une autre lumière et d'une autre plastique, comme la bretagne de Gauguin ou la campagne d'Arles chez Van Gogh.

 

Dans les années vingt Paris a la tête ailleurs: les Surréalistes, l'Abstraction, l'Expressionisme....Ces années sont "folles" et les esprits malades de la Guerre. On veut du Passé faire table rase, on le fera chez Noailles... ou ailleurs. L'ère des "Avant-Gardes" est commencée. La modernité se trouve quelque part entre l'Amérique et la Russie.

Les provinces de France, pendant ce temps sont inondées de monuments aux morts. Salnelle comprend vite que le public est attiré ailleurs. Ce silencieux se méfie des mots et des proclamations, admire Cézanne et les fauves, ne renie personne: ni Poussin, ni Delacroix, ni Corot. Il a vu des Van Gogh et rencontré Derain. Il sait quoi faire du passé. Il choisit de vivre dans un monde qu'il aime. Sa Normandie n'est pas un décor. Elle grouille toujours de vie et de familles nombreuses. Il en connaît les ficelles, toutes les finesses, le savoir-vivre et le matérialisme. On ne quitte pas une province où tout le monde est plus ou moins lucide..Cette résolution lui coûte une carrière, mais il y gagne des libertés. Il vit au grand air, s'entoure de chats de chiens et d'oiseaux, il domestique des chauves-souris, des rats et même des ...araignées. Il pêche en mer ou en rivière, fonde un aéroclub, sauve une abbaye... Dans sa ville de Bernay il organise de nombreuses expositions. La première en 1925 est inaugurée par Charles Léandre dont le Musée de Tours conserve un portrait de Georges Courteline. De 1925 à 1964 il enseigne le dessin , s'occupe du musée dont il est le conservateur. Deux de ses élèves seront Prix de Rome. On lui propose la direction de l'Ecole des Beaux-Arts de Rouen en 1932. Il refuse de quitter sa ville, des amis, sa vieille mère et son atelier de la rue des Charrettes......J'ai retrouvé ces quelques phrases dans la rédaction d'un petit bonhomme de cinquième en 1958 : "Avec sa grande taille et son chapeau, il me fait penser, quand je le vois à un grand peintre de géni (sic) comme picassau (sic) ou Renoir...Il a une tête qui me plaît beaucoup et il m'est très agréable de l'observer quand il peint, et qu'il regarde à gauche et à droite, pour voir son travail. J'aime également beaucoup sa manière de corriger un dessin : un coup de crayon par ci un coup de crayon par là, mais c'est le résultat qu'il faut voir. A voir ses mains, qui sont très grosses, je n'aurai jamais cru qu'elles renferment tant de talent, mais il ne faut pas se fier aux apparences. "(Jean Dupuis). J'ai retrouvé aussi quelques travaux d'une de ses jeunes élèves, corrigés de sa main... .Salnelle se plaisait avec les enfants. Il avait pour eux le respect, l'indulgence et la tendresse de ceux qui n'ont pas perdu leur enfance. Son mépris aimable des apparences lui faisait vendre ses toiles pour de petites sommes. Elles se vendaient bien. La ville de Bernay en a offert une au général De Gaulle . On a donné son nom à une ruelle tranquille. Il n'est pas mort dans l'indifférence mais il se pourrait que l'oeuvre de ce conservateur idividualiste et plutôt secret n'ait pas été comprise pour ce qu'elle est: une leçon de peinture sur le tas. MD

   
   
   
   
   
   

.On sentait qu'une passion particulière habitait le personnage, que sa vie ne l'avait pas lassé. Nous avions échangé quelques mots à l'occasion de sa dernière exposition de 1978 à Bernay. Quelques semaines après je quittais la normandie. Je ne l'ai jamais revu..Dans nos bagages nous emportions "La chanson de la mariée". En 1980 j'exposais chez Lionel Cavalero, rue d'Antibes à Cannes. Les Cavalero dormaient sous un Picabia, la deuxième version d'UDNI, et au milieu d'une trentaine de Poliakov et de Bryen. J'ai vu chez eux une des plus belles collections d'abstraits lyriques de France. Ceux des années 50 à 80, non pas les ouvrages de dames ou les vapeurs subjectives des Bobos des années 2000. Nous passions de longs moments à parler de peintres et de peinture. J'étais jeune. La première fois qu'ils sont venus chez moi, ils ont eu un mot pour le tableau de Salnelle:" C'est bon ça !!..." et nous avons parlé de cette toile.J'ai fait quelques recherches sur jean-Marie Salnelle. Bernard Méaulle avait accepté de passer un article mensuel sur un tableau pendant un an, pleine page couleur. L'an 2000 a donc été dans l'Eveil Normand l'année du peintre de Bernay.

Je remercie tout particulièrement Denise Soler pour l'ensemble des documents qu'elle m'a communiqués et les multiples entretiens qui m'ont permis de mieux connaître son père. MD.

   
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