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ACCELERER L'HISTOIRE ?
 
     
 
gorille, zebre, lion
 
     
 

Le Roi des animaux fut grand dans les fables, majestueux en marbre, monarque tranquille et d'humeur égale, vaincu par un moustique et sauvé par un rat. Il apprit la sagesse et l'indulgence, l'art du bon gouvernement et la loi naturelle.

Un cousin des singes, reçut la foudre dans ses maraudes, tomba des arbres, se mit à courir dans la savanne en proie à des hallucinations. Il hurla qu'il s'était pris de bec avec le Créateur, que sa guenon lui avait donné des fruits défendus, qu'il était le maître du Monde, qu'il peuplerait la Terre et marcherait sur la Lune... Sa langue se prenait de paroles, racontait tant d'histoires que les chiens devinrent ses amis, que ses semblables s'attroupèrent... Ils parlaient de feux et de cailloux, se mettaient à frapper des pierres pour un oui, pour un non. Des étincelles leur grillèrent quelques poils et d'autres étincelles brillèrent dans leurs yeux... Dans leur repaire on vit monter au ciel une fumée, des herbes sèches mettre le feu à des brindilles et à des tas de bois mort... Ils poussaient des cris de triomphe, montraient les poings aux nuages, s'asseyaient en cercle autour des flammes pour tailler des éclats de roches, brûler des pointes de branches... Puis ils partaient en bandes, loin des regards, pour assassiner des bêtes, les couper en morceaux sur des cailloux brûlants et se régaler des cervelles chaudes... Ils devinrent plus costauds et libidineux, se multiplièrent de plus en plus loin, franchirent des fleuves et des montagnes, trouvèrent des pépites dans le sable et des perles dans les huîtres... Quelques exaltés à longues barbes, firent des rêves et des cauchemars. Ils divaguaient sur le Paradis et l'Enfer, les démons, les femmes et les anges...

Les autres animaux, devinrent craintifs à force d'être mangés, s'enfuirent à toutes jambes dans le désert, la brousse et la forêt, terrorisés par les éclairs et les bavards. Les primates qui faisaient du feu, apprirent à galoper sur le dos des zèbres et des chevaux, nouèrent des alliances trompeuses avec les porcs, les moutons et les boeufs, promirent de battre les serpents et les loups, gardèrent les poules près des pots, construisirent des barrières et dirent aux chiens de surveiller les troupeaux. Puis il se mirent à penser pour cuisiner de solides mensonges. Ils jurèrent que leur vie avait un sens et que le monde en suivait la pente au doigt et à l'oeil. Ils se gavèrent de nombres et d'opérations magiques, inventèrent le temps, l'amour, le vol et le viol... Comme rien n'est assez noir la nuit pour fabriquer des cauchemars, ils répandirent le bruit que des idées et des partis faisaient l'Histoire , que les grands hommes faisaient de grandes choses, que les femmes étaient de meilleures bourriques que toutes les mules et toutes les ânesses.... Que les empires obéissaient à la conjonction des planètes et que le jour succédait à la nuit à cause des prières... Des prophètes naquirent dans des trous perdus où l'ennui donnait des visions aux obsédés.... On raconte qu'en orient des femmes faisaient du commerce, dirigeaient leurs affaires, choisissaient leur mari et montraient leur chevelure aux jaloux... On dit qu'un orphelin se fit une place dans le lit d'une veuve, qu'il se torturait les méninges et se croyait considérable, qu'il finit par avoir des visions dans une grotte, qu'un pigeon lui parlait à l'oreille ... et qu'à la pointe de son sabre il enferma les femmes derrière des murs, les soumit aux caprices des vieillards, des maris et des frères... Ailleurs d'autres illuminés calmaient les foules en promettant d'autres lunes ...

Les philosophes ne sont pas moins hommes que les prophètes. Il n'y a pas très loin d'une tête qui croit aux miracles à une cervelle dévouée à la Raison. Les bêtes en savent quelque chose : pour la seule année de 1875 les anglais tuèrent 24000 tigres aux Indes parce que 900 personnes avaient été mangées. A la même époque, en trois ans, 1 000 000 de douzaines de pigeons voyageurs furent envoyées de Michigan à New-York pour finir à table... La peur et la faim sont les conseillères les plus écoutées du monde civilisé comme du monde sauvage. La Nature n'est amie de personne, les inondations noient avec indifférence, les venins empoisonnent sans hésitation, les mandibules mâchent devant eux, les plantations chassent la forêt... Le Roi des animaux n'existe plus que dans les fables, le singe chou-chou des dieux roule son monde, extermine, mange, expédie aux enfers tout ce qui a des pattes, des plumes et des écailles... ses flèches , ses pièges, ses fusils et ses drogues ravitaillent son appât du gain et son goût du meurtre... Le fameux Tom Nickson qui se vantait d'abattre 120 bisons en quarante minutes, les chasseurs de peaux qui ne dépouillaient les bisons que d'un côté pour faire plus de cuir en évitant de les retourner l... Tous ces héros de la raison et de la sidérurgie, ces enfants de Caïn, ces créatures à l'image de Dieu, ces industriels et ingénieurs qui donnèrent des fusils à leurs équipes de bouchers rapporteurs de gibier pour nourrir à l'oeil une main d'oeuvre servile, ces "agriculteurs" chéris des comptables et des usines d'armement reconverties dans les pesticides et les insecticides, tous les innombrables bras armés de la bombe démographique et financière, ont fait mieux que les météorites géantes et les explosions de magma du passé... Les forêts qu'il réduisent en charpie, les fleuves qu'ils empoisonnent, les déserts qu'ils fabriquent , leurs plans cacahuète, coton, tabac, palme, café etc... brisent toutes les alliances qui avaient été nouées du côté des plantes et des bêtes... Enfin seuls... ils pourront remercier le Tout Puissant de les avoir faits tuyaux, vidangeurs, cuisiniers de leurs excréments, anthropophages le dimanche et rouleurs de merde les autres jours....

 
     
 
singe savant
 
 

 

 
     
 
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